Un syndicat historique en déclin ?
La Confédération Générale du Travail (CGT) est l’un des syndicats les plus anciens et influents de France, ayant joué un rôle déterminant dans la protection des droits des travailleurs depuis sa création en 1895. Longtemps considérée comme une force incontournable dans la lutte contre les inégalités sociales et le capitalisme, la CGT a vu son influence diminuer de manière significative au cours des dernières décennies. Ce déclin soulève des questions sur son efficacité actuelle et sur sa capacité à répondre aux défis du capitalisme moderne en France.
Le capitalisme contemporain, marqué par la mondialisation, la financiarisation de l’économie et la précarisation du travail, a considérablement changé les dynamiques du marché du travail et les rapports de force entre le capital et le travail. Dans ce contexte, la CGT semble avoir du mal à s’adapter à ces nouvelles réalités, ses mobilisations récentes ayant souvent échoué à obtenir des résultats concrets face à des gouvernements déterminés à mener des réformes libérales. Cet article examine les raisons de cette impuissance croissante et les défis auxquels le syndicat fait face dans son combat contre le capitalisme.
1. Les origines et l’influence passée de la CGT
La CGT a vu le jour à la fin du XIXe siècle, à une époque où la question ouvrière était au cœur des préoccupations sociales. Sa création répondait à une nécessité de structurer le mouvement ouvrier, alors en pleine expansion dans un contexte d’industrialisation rapide. En tant que syndicat révolutionnaire, la CGT a, dès ses débuts, cherché à défendre les intérêts des travailleurs contre les excès du capitalisme, notamment par la grève, perçue comme l’arme ultime de la lutte de classe.
Pendant une grande partie du XXe siècle, la CGT a été l’acteur principal des grandes luttes sociales en France. De la grève générale de 1936 qui a conduit aux Accords de Matignon à la résistance active pendant l’occupation nazie, en passant par son rôle central dans les événements de Mai 1968, la CGT a su mobiliser des millions de travailleurs pour obtenir des avancées sociales majeures : congés payés, réduction du temps de travail, protection sociale, etc. Elle a ainsi incarné un contre-pouvoir fort face aux gouvernements et aux patrons, contribuant à l’établissement d’un modèle social français envié à travers le monde.
Cependant, cette période de domination syndicale est révolue. Si la CGT a longtemps su incarner les aspirations du monde ouvrier, son influence a décliné au fil des années, notamment en raison de l’évolution des formes de travail, de la montée de la concurrence syndicale et de l’émergence de nouveaux enjeux sociaux.
2. Les transformations du capitalisme et leurs effets sur la CGT
Le capitalisme du XXIe siècle n’est plus celui contre lequel la CGT luttait au siècle précédent. Plusieurs transformations majeures ont profondément modifié la structure de l’économie et ont ainsi érodé la capacité du syndicat à influer sur le cours des événements.
Tout d’abord, la mondialisation a bouleversé les équilibres économiques traditionnels. La délocalisation des industries vers des pays à faibles coûts de main-d’œuvre a considérablement réduit le poids des ouvriers dans les pays développés, y compris en France. Les grandes entreprises multinationales, avec leurs chaînes de production éclatées à l’échelle mondiale, sont devenues des entités insaisissables pour les syndicats traditionnels. La CGT, historiquement ancrée dans la défense des ouvriers français, a eu du mal à répondre à cette nouvelle donne.
De plus, la financiarisation de l’économie a accru le pouvoir du capital au détriment du travail. Les grandes décisions économiques sont désormais prises en fonction des exigences des marchés financiers, souvent au mépris des considérations sociales. La CGT, malgré ses efforts pour dénoncer les dérives du capitalisme financier, s’est révélée incapable d’empêcher des pratiques comme les licenciements boursiers, où des entreprises licencient pour maximiser leurs profits et satisfaire les actionnaires.
Enfin, la précarisation du travail, avec la montée des contrats à durée déterminée (CDD), de l’intérim, et plus récemment du travail indépendant et des plateformes numériques, a également affaibli le pouvoir des syndicats. Dans un marché du travail fragmenté, où la relation entre employeur et employé est de plus en plus informelle, la capacité de la CGT à organiser et à défendre ces nouvelles catégories de travailleurs s’est avérée limitée. Le syndicat, historiquement attaché à la défense des salariés permanents dans les grandes entreprises, peine à s’adapter à cette nouvelle réalité.
3. Les échecs des mobilisations récentes : Un symptôme de l’impuissance de la CGT
Les dernières grandes mobilisations organisées par la CGT ont souvent tourné à l’échec, illustrant la difficulté du syndicat à faire face aux réformes capitalistes. Plusieurs exemples récents sont particulièrement révélateurs de cette impuissance.
En 2010, la réforme des retraites du gouvernement Fillon, qui prévoyait un recul de l’âge légal de départ à la retraite, avait entraîné une mobilisation massive des syndicats, dont la CGT. Pourtant, malgré les grèves répétées et les millions de manifestants dans les rues, le gouvernement est resté ferme, et la réforme a été adoptée. Cet épisode a marqué un tournant, montrant que les grèves, jadis redoutées par les gouvernements, n’avaient plus le même pouvoir de coercition.
La réforme des retraites de 2019-2020 sous le gouvernement d’Emmanuel Macron a constitué un autre échec pour la CGT. Bien que le syndicat ait réussi à organiser plusieurs journées de grève et des manifestations de grande ampleur, le projet de réforme a finalement été repoussé à cause de la pandémie de Covid-19, mais non en raison de la pression syndicale. Le gouvernement est revenu à la charge en 2023 avec une réforme encore plus contestée, et malgré des mois de mobilisation intense, le texte a été adopté, soulignant encore une fois l’incapacité du syndicat à obtenir gain de cause.
Ces échecs répétés illustrent une réalité : la capacité de la CGT à influencer les décisions politiques et économiques s’est considérablement réduite. Le rapport de force entre le travail et le capital a basculé en faveur du capital, et les grèves, autrefois redoutées, semblent désormais inefficaces pour stopper des réformes pourtant massivement rejetées par la population.
4. Les divisions internes et les problèmes de leadership
La CGT ne souffre pas seulement de facteurs externes ; elle est également minée par des problèmes internes qui ont contribué à son affaiblissement. Le syndicat est traversé par des divisions idéologiques et stratégiques, notamment entre une aile modérée, prête à négocier avec les pouvoirs publics, et une aile plus radicale, attachée à une posture de confrontation systématique.
Ces tensions internes se sont manifestées à plusieurs reprises, notamment lors des congrès syndicaux. La succession à la tête du syndicat a également été marquée par des luttes de pouvoir, illustrant une difficulté à trouver une ligne directrice claire face aux défis actuels. Cette division affaiblit la CGT face à des syndicats rivaux comme la CFDT, qui a su se positionner comme un partenaire privilégié des négociations sociales avec les gouvernements successifs.
Par ailleurs, la CGT peine à renouveler ses cadres et à attirer de nouveaux adhérents, notamment parmi les jeunes générations. Son discours, perçu comme trop rigide et ancré dans une vision traditionnelle du travail, ne parvient pas à capter l’attention des travailleurs précaires, des indépendants ou encore des employés du secteur numérique, pourtant en pleine croissance. Cette incapacité à se moderniser contribue à la marginalisation progressive du syndicat.
5. Une incapacité à proposer des alternatives crédibles au capitalisme
L’un des principaux reproches faits à la CGT aujourd’hui est son incapacité à proposer des alternatives crédibles face au capitalisme. Si le syndicat continue de dénoncer les excès du néolibéralisme et de plaider pour une meilleure répartition des richesses, il ne parvient pas à formuler un projet de société cohérent capable de convaincre une large partie de la population.
Les revendications de la CGT restent souvent focalisées sur la défense des acquis sociaux du XXe siècle, sans tenir compte des mutations profondes du capitalisme et du travail. Par exemple, alors que la transition écologique s’impose comme un enjeu majeur du XXIe siècle, la CGT a souvent adopté une posture ambivalente sur la question. D’un côté, elle défend les emplois dans des secteurs polluants comme le nucléaire ou les industries lourdes ; de l’autre, elle peine à s’engager pleinement dans un projet de transition juste vers des emplois verts.
Ce manque de vision prospective contribue à affaiblir la légitimité du syndicat dans le débat public. Alors que de nouveaux mouvements sociaux, tels que les gilets jaunes ou les mobilisations pour le climat, ont émergé ces dernières années, la CGT apparaît de plus en plus déconnectée des préoccupations des classes populaires et des nouvelles générations de militants.
6. Perspectives d’avenir : La CGT peut-elle retrouver sa place ?
Malgré ce tableau sombre, il serait prématuré de considérer la CGT comme une organisation définitivement en déclin. Bien que ses faiblesses actuelles soient indéniables, plusieurs pistes pourraient permettre au syndicat de retrouver une partie de son influence perdue, à condition qu’il accepte de se réformer et de s’adapter aux nouvelles réalités du capitalisme et du travail.
Modernisation des revendications
L’un des premiers défis pour la CGT consiste à moderniser ses revendications pour mieux répondre aux transformations profondes du monde du travail. Le syndicat doit impérativement intégrer dans son discours les enjeux actuels liés à la précarisation du travail, au numérique, à la transition écologique et à l’ubérisation de l’économie. En adoptant des positions plus claires et ambitieuses sur la régulation des plateformes numériques, sur le statut des travailleurs indépendants ou encore sur la question des emplois verts, la CGT pourrait mieux répondre aux préoccupations de millions de travailleurs aujourd’hui mal représentés.
La CGT pourrait également mieux s’engager sur des thématiques sociales émergentes comme l’égalité des sexes, les discriminations au travail et les nouvelles formes de solidarité. Le syndicat reste, dans une certaine mesure, perçu comme un acteur plutôt masculin et peu sensible aux questions de diversité. Pourtant, la composition sociologique du salariat a considérablement évolué et la CGT doit faire sa place auprès des catégories qui sont désormais en première ligne des luttes sociales.
Recentrer son discours pour fédérer davantage de travailleurs
L’une des clés pour un renouveau de la CGT est de réussir à rassembler un nombre plus important de travailleurs, y compris ceux issus des nouvelles formes d’emploi. Les travailleurs précaires, les indépendants, ainsi que les jeunes employés du secteur des services et du numérique, forment aujourd’hui une grande partie de la main-d’œuvre en France. La CGT devra se rapprocher de ces groupes, notamment en modernisant son discours et en l’adaptant à leurs préoccupations spécifiques. Les syndicats n’ont pas toujours été perçus comme des acteurs de défense des autoentrepreneurs ou des intermittents, mais des initiatives récentes montrent qu’il est possible d’organiser ces travailleurs, à condition de comprendre leurs besoins spécifiques.
De plus, la CGT doit se reconnecter avec les nouvelles générations de travailleurs. L’individualisation croissante du travail et la montée de la précarité ont largement contribué à la démobilisation des jeunes, qui se sentent parfois éloignés des luttes syndicales traditionnelles. Pour attirer cette génération, la CGT doit innover en matière de communication, s’approprier les nouveaux outils numériques, et adopter des formes d’organisation plus souples, adaptées aux réalités contemporaines du travail.
Redéfinir son positionnement politique
Un autre défi crucial pour la CGT est de redéfinir son positionnement politique. Historiquement très proche du Parti communiste français (PCF), la CGT a souffert de la marginalisation de ce dernier sur la scène politique française. Le déclin de l’influence du PCF a aussi privé la CGT d’une partie de son ancrage idéologique et de son réseau de soutien politique. Aujourd’hui, la CGT doit clarifier sa place dans le paysage politique et peut-être même envisager de tisser de nouvelles alliances avec d’autres mouvements ou partis politiques progressistes.
Cependant, cette redéfinition ne peut se faire sans réflexion approfondie. Si la CGT veut demeurer un acteur central dans la défense des droits des travailleurs, elle doit rester indépendante, tout en construisant un dialogue stratégique avec les mouvements sociaux contemporains, comme ceux qui luttent contre le changement climatique ou pour la justice sociale. Les liens avec des mouvements transversaux, notamment sur les questions de transition écologique et sociale, pourraient lui offrir une nouvelle pertinence. Par exemple, les mobilisations pour le climat ont attiré de nombreux jeunes militants, qui ne se retrouvent pas forcément dans le cadre syndical traditionnel mais partagent une même vision de la justice sociale et environnementale.
Renouveler les stratégies de lutte et de négociation
Sur le terrain de la lutte sociale, la CGT devra aussi repenser ses méthodes d’action. Les grèves et manifestations, qui ont longtemps été les principaux outils de pression, ne semblent plus suffire à faire céder les gouvernements ou les grandes entreprises. Cela est notamment dû à la structure actuelle de l’économie, où les multinationales et les grandes entreprises parviennent à contourner facilement les revendications locales ou nationales.
La CGT pourrait s’inspirer d’exemples internationaux pour trouver de nouvelles méthodes d’action syndicale. Aux États-Unis, des syndicats comme celui des travailleurs d’Amazon ont récemment opté pour des stratégies combinant mobilisation de la base, actions judiciaires et campagnes médiatiques ciblées, ce qui a donné lieu à des victoires symboliques contre des entreprises géantes. En Europe, des syndicats ont également commencé à utiliser des stratégies transnationales pour contrer le pouvoir des multinationales, par exemple en coordonnant des actions dans plusieurs pays en même temps.
Un autre axe de renouveau pourrait être la redéfinition de la relation entre le syndicat et ses adhérents. En s’appuyant davantage sur les formes d’organisation horizontales et participatives, la CGT pourrait renforcer l’implication de ses membres dans la prise de décision, créant ainsi une dynamique plus inclusive et plus démocratique. Cela permettrait de recréer un sentiment d’appartenance et de donner un nouveau souffle aux luttes syndicales, tout en stimulant l’innovation au sein du syndicat.
Conclusion : La CGT à la croisée des chemins
La CGT se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. En perte de vitesse, elle est confrontée à la montée en puissance d’un capitalisme globalisé qui semble de plus en plus insaisissable. Si ses échecs récents dans les grandes mobilisations contre les réformes néolibérales montrent les limites de ses stratégies actuelles, il serait prématuré de la considérer comme une force du passé. Avec plus de deux millions d’adhérents et une tradition de lutte bien ancrée, la CGT conserve un potentiel de mobilisation, à condition qu’elle parvienne à se réinventer.
Le syndicat doit relever plusieurs défis pour s’adapter aux réalités du XXIe siècle : moderniser ses revendications, attirer les nouvelles générations de travailleurs, repenser ses alliances politiques et diversifier ses méthodes de lutte. L’avenir de la CGT, comme celui du syndicalisme en général, dépendra de sa capacité à repenser son rôle dans une économie en pleine mutation et à articuler une réponse crédible aux nouveaux visages du capitalisme.
Alors que le capitalisme continue de s’imposer comme le modèle dominant à l’échelle mondiale, le syndicalisme, et notamment la CGT, doit s’armer de nouvelles stratégies pour demeurer un contre-pouvoir efficace. L’enjeu pour la CGT n’est pas seulement de retrouver son influence passée, mais de se transformer en une organisation capable d’apporter des solutions concrètes et pertinentes aux défis du travail au XXIe siècle.
✒️ M. Badr CHOUFFAI
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