Nietzsche et Schopenhauer : vision du mode, de la vie, des femmes, du travail et de la société

Nietzsche et Schopenhauer : Leur vision du monde, de la vie, des femmes, du travail et de la société

Friedrich Nietzsche et Arthur Schopenhauer sont deux des plus influents philosophes allemands du XIXe siècle. Bien qu’ils partagent certaines similitudes, notamment dans leur critique de la religion et du monde, leurs visions divergent profondément sur de nombreux aspects. Voici une exploration comparative de leurs positions sur le monde, la vie, les femmes, le travail et la société.

1. Vision du monde

Schopenhauer : le pessimisme radical Schopenhauer est surtout connu pour sa philosophie pessimiste, qu’il développe dans son œuvre majeure Le Monde comme Volonté et comme Représentation. Il considère le monde comme le produit d’une volonté irrationnelle et aveugle. Selon lui, l’existence est fondamentalement souffrance, et toute forme de désir entraîne de la douleur. Le monde est ainsi dominé par une force aveugle qui pousse les êtres à rechercher constamment la satisfaction, sans jamais l’atteindre de manière durable.

Pour Schopenhauer, la seule manière d’échapper à ce cycle de souffrance est la négation de la volonté à travers l’ascétisme, l’art ou la contemplation philosophique.

Nietzsche : affirmation de la vie et du monde Nietzsche, tout en reconnaissant la souffrance inhérente à la condition humaine, adopte une attitude diamétralement opposée à celle de Schopenhauer. Plutôt que de chercher à fuir le monde, Nietzsche prône l’affirmation de la vie, même dans ses aspects les plus tragiques. Sa célèbre doctrine de l’éternel retour propose de vivre comme si chaque instant devait être répété éternellement, ce qui implique d’embrasser pleinement l’existence.

Contrairement à Schopenhauer, qui voit le monde comme une manifestation d’une volonté destructrice, Nietzsche célèbre la puissance créatrice de la volonté de puissance, une force vitale et dynamique qui pousse les êtres à se dépasser.

2. Vision de la vie

Schopenhauer : la vie comme souffrance Pour Schopenhauer, la vie humaine est essentiellement marquée par la douleur, le manque et l’insatisfaction. Le désir, selon lui, est une force incessante qui nous pousse vers des objets que nous ne pouvons jamais véritablement posséder. Chaque désir satisfait engendre de nouveaux désirs, et ce cycle perpétuel est source de frustration.

La seule issue pour Schopenhauer est une forme de renoncement : il plaide pour un retrait du monde, une réduction des désirs, voire la contemplation de l’art comme une forme de délivrance temporaire.

Nietzsche : la vie comme dépassement de soi Nietzsche rejette cette vision pessimiste. Pour lui, la vie doit être vécue comme un processus constant de dépassement de soi, d’auto-création et de transformation. Il propose la figure du « surhomme » (Übermensch), un être capable de créer ses propres valeurs et de vivre au-delà des morales conventionnelles. La vie est vue comme une opportunité de croissance, de lutte et de création.

La souffrance est inévitable, mais Nietzsche la considère comme une condition nécessaire pour la croissance personnelle et la réalisation de soi.

3. Vision des femmes

Schopenhauer : une vision misogyne Schopenhauer est tristement célèbre pour ses opinions sur les femmes, qu’il décrit de manière péjorative. Dans son essai Sur les femmes, il soutient que les femmes sont intellectuellement inférieures aux hommes et doivent être subordonnées à ces derniers. Il les voit comme gouvernées par leurs instincts reproducteurs et émotionnels, et incapable de comprendre les idées philosophiques ou les grandes œuvres de la culture.

Nietzsche : une vision ambivalente Nietzsche, bien qu’il exprime parfois des jugements négatifs sur les femmes, notamment dans Ainsi parlait Zarathoustra, où il affirme que les hommes doivent être « guerriers » et les femmes « des objets de jeu », adopte une position plus nuancée que Schopenhauer. Sa relation avec les femmes dans sa propre vie était complexe, et certains de ses propos peuvent être interprétés comme une critique des stéréotypes de genre de son époque plutôt qu’une véritable misogynie.

Nietzsche encourage également l’idée que les femmes, tout comme les hommes, peuvent se dépasser et créer de nouvelles valeurs, bien qu’il reste influencé par les préjugés de son temps.

4. Vision du travail

Schopenhauer : le travail comme nécessité malheureuse Schopenhauer n’accorde pas beaucoup d’importance au travail dans ses écrits. Pour lui, le travail est avant tout une obligation qui éloigne l’individu de la contemplation philosophique et artistique, qui sont les véritables sources de rédemption. Il considère que la poursuite du gain matériel et du travail quotidien est une forme d’asservissement à la volonté, augmentant la souffrance de l’individu.

Nietzsche : le travail comme moyen de création Nietzsche, en revanche, voit le travail sous un jour plus positif, à condition qu’il soit un travail créatif qui permet à l’individu de se réaliser. Il critique cependant l’idée du travail comme simple moyen de subsistance ou comme une obligation imposée par la société. Le travail, dans la vision de Nietzsche, doit servir à l’accomplissement de la volonté de puissance, à la création de soi et à la transformation du monde.

5. Vision de la société

Schopenhauer : une société qui perpétue la souffrance Schopenhauer est extrêmement critique envers la société humaine, qu’il voit comme un lieu de compétition, de jalousie et de conflit. La société, en encourageant la poursuite des désirs matériels et des ambitions personnelles, ne fait qu’intensifier la souffrance des individus. Il prône une forme de retrait, un mode de vie plus ascétique et simple, pour minimiser les souffrances engendrées par la compétition sociale.

Nietzsche : la société comme lieu de dépassement Nietzsche, bien qu’il critique certaines formes de la société moderne, notamment la démocratie et l’égalitarisme, ne cherche pas à s’en éloigner. Au contraire, il voit la société comme un espace dans lequel les individus peuvent se transcender. Il est profondément critique de la morale chrétienne et de ce qu’il appelle la « morale des esclaves », qui, selon lui, nivelle l’individu vers le bas en favorisant la faiblesse, la pitié et la médiocrité.

Nietzsche propose une nouvelle forme de société dans laquelle l’élite, les individus capables de se dépasser et de créer de nouvelles valeurs, pourrait s’épanouir.

Conclusion

Les visions de Schopenhauer et Nietzsche sur le monde, la vie, les femmes, le travail et la société divergent radicalement. Alors que Schopenhauer incarne le pessimisme et prône une évasion de la souffrance à travers la renonciation, Nietzsche représente une philosophie de l’affirmation de la vie et du dépassement de soi. Leurs philosophies ont profondément marqué la pensée occidentale et continuent d’influencer les débats philosophiques contemporains sur la nature de l’existence humaine.